Histoire
Je suis né il y a vingt-trois ans de cela, oui, oui, vingt-trois ans... Ou plus précisément, mon père m'a... Créé il y a vingt-trois ans de cela, et j'ai passé au moins trois ans dans ce que nous pourrions appeler... Euh... Une cuve de croissance ?
Je ne vous parlerais pas de ces trois ans, ils se trouvent maintenant il y a loin de tout cela, j'étais un 'cobaye' parmi huit autres, et pour tout vous dire, la première de mes six injections du sérum Ezleur date de ma troisième année, entre temps, j'ai eu le droit à divers médicaments, injections, sérums, cocktails... Je ne vous donnerais pas la composition de mon sang à l'époque, c'était limite un remède universel à toute les maladies de l'univers... A se demander s'il me restait encore du sang d'ailleurs ou s'il n'y avait plus que des médicaments et autres chose bizarres du genre...
Je crois que je préfère ne pas le savoir en fait, ça me fera moins peur.
Trois ans donc, et une injection de sérum Ezleur... Cela nous amène environ vers... Mille-neuf-cent-quatre-vingt-douze.
Année faste s'il en est, n'est-il pas... ?
Cette année à vu la naissance dans les cartons, et les papiers, de certains 'projets', projets qui aboutiraient cinq ans plus tard à ce que l'on nomme aujourd'hui Thao, une réunion entre des scientifiques, des militaires, des hommes politiques... Ce genre de chose.
Comment j'le sais... ?
Simple, très simple, à l'époque, j'avais enfin obtenu la 'permission' de sortir de cette cuve, je m'en tirais avec une immunité totale et complète contre à peu près tout, un corps surchargé, bref, j'avais eu le droit de sortir, n'empêche que j'étais le seul des neufs cobayes hein.
Et j'accompagnais mon père partout où il allait, mais alors partout.
Il me considérait vraiment comme son gamin... Et j'étais un exemple charmant pour ses réunions et pour démontrer ses résultats, il faut l'avouer.
Charmant comme gosse que j'étais, toujours souriant, jamais en train de pleurer, silencieux comme tout mais maîtrisant déjà sa langue sur le bout des doigts, en plus de l'anglais qui ne me servait à rien, mais bon, on apprend vite quand on vous drogue pour.
Faut l'avouer.
Et il m'élevait comme son gosse, alors moi... J'allais pas dire non.
Et j'étais là, le jour de cette réunion, j'm'en rappelle j'vous disais parce que ce jour là, il a parlé du sérum Ezleur pour la première fois en comité, et il m'a montré d'un coup d'œil à tout les gens présent.
Moi?
Je faisais un puzzle.
… Bah quoi?
C'était dans une grande pièce, très grande, une table en verre, des fauteuils fixés au sol... Peut-être dix mètres de large sur trente de long...
Une immense baie vitrée au bout...
En haut d'un immeuble, ouais, c'est ça...
On était en haut d'un immeuble... Du moins très haut.
Et je faisais un puzzle, par-terre, au pied d'mon père, tranquillement installé..
… J'avoue, ça manque de classe, mais j'y suis pour rien, moi, je trouvais ça fun les puzzles...
Enfin, la réunion terminé, on est repartie par où on était venu, discrètement, mais avec le soutien de l'armée, du gouvernement, et de scientifiques de tout genre.
Enfin, le soutien...
Ils étaient tous d'accord sur ce projet avant même qu'ils ne commencent à germer dans leurs esprits... Alors...
Je me rappelle avoir dormi dans la voiture qui nous ramenait chez nous, une rolls royce, j'étais déçu, mon puzzle était resté là haut, dans cette tour, en plein milieu de la grande ville...
Enfin...
On peut compter le temps qui passa sur le monde, et donc sur moi, sans que rien de bien nouveau ne se passe... Et puis... Vint alors la deuxième injection de sérum Ezleur, l'année de mes six ans.
Douloureux.
Très...
Une dialyse, purement et simplement, voilà comment le sérum est injecté dans le corps des victimes... Premièrement, on les amènes, deuxièmement, parfois on les anesthésie, troisièmement, on branche les tuyaux, et tout ce qui va avec...
Et on commence, pompage du sang, mélange avec le sérum, renvoie dans le corps.
Absorption par les muscles et organes dans l'heure qui suit... Environ quatre-vingt-dix-huit pour cent.
Absorption EXTREMEMENT douloureuse, entrainant des crampes, des vomissement, des courbatures, des poussées de fièvre violente, accompagné d'un blanchissement de la peau, et d'une perte de connaissance très profonde, pouvant aller jusque au coma.
Si la victime s'en sort, et sort de cette inconscience, c'est que le sérum est accepté par le corps.
Ouais... Bah... J'm'en rappelle encore.
Et ça fait dix-huit ans de cela...
C'est dire, et entre temps, y en a eu d'autre.
J'ai acquis mes premiers dons à l'époque...
C'était anarchique, bordélique, chaotique... Mais... C'était un début.
Enfin.
Malgré ça, je continuais d'écouter et de suivre mon père partout, je crois que la haine n'est pas un sentiment que je pouvais développer contre lui, limite, j'me demande s'il m'a pas fabriqué de tel façon que jamais je ne puisse lui en vouloir.
C'est une piste à creuser...
J'y songerais quand j'aurais le temps.
Bref, de quatre-vingt quinze, on arrive à quatre-vingt-dix-sept... Mai quatre-vingt-dix-sept, un mois avant l'ouverture officielle de Thao...
On y était déjà installé pour notre part, l'avantage d'être le fiston d'un des patrons j'imagine.
L'avantage...
Beuh...
Quand on a huit ans, Thao peut sembler un paradis... Z'avez quelqu'un qui s'occupe de vous du lever au coucher... Vous pouvez faire n'importe quoi, manger n'importe quand, dormir si vous voulez, allez où vous voulez dans le parc, il suffit de ne pas quitter l'enceinte...
Ouais.
Le paradis.
Ça ne dure pas...
Enfin, ça n'a pas duré.
Thao eut été un lieu très acceptable si les jeunes avaient été encadré...
Ça n'a pas été le cas.
A cette époque là, l'année de huit ans donc, j'me baladais, comme ça m'arrivait souvent à l'époque quand je trainais pas dans les laboratoire ou l'infirmerie, et j'me suis fait prendre en otage.
Ouais, je sais, c'est con.
BAH J'Y SUIS POUR RIEN.
Un jeune détenue qui n'était pas d'accord, et ne voulait pas rester enfermé.
Il a rien trouvé de mieux que de m'agresser moi...
Retranché dans sa chambre, il menaçait de me fendre le crâne si on le libérait pas.
Bah... Ils ont pas voulu le libérer... Et j'me suis pris un gros coup sur le crane, une cicatrice qui strie le haut de mon crane et fait pousser mes cheveux blancs.
Accessoirement, j'vous avouerais que j'ai pas eu vraiment mal.
Je crois que mon papa m'avait aussi enlevé ce genre de truc, douleur, toussa...
J'suis bien fabriqué nan... ?
Bref, il a tapé, dans l'instant qui suivait je l'embrassais, un réflexe conditionné bizarre hein... Et lui... Euh... Il... Tombait en bouillie par terre... ?
Un peu aidé par le chargeur de mitrailleuse, ouais... Et par moi... Surtout.
Bah... Figurez-vous que j'ai trouvé ça assez fun en fait.
Bon, je pissais le sang, j'voyais trouble, j'étais rouge des pieds à la tête de mon sang ou du sien, y avait même des morceaux de boyaux qui trainaient sur moi.
Mais c'était fun.
Les amusement doivent changer avec l'âge hein... ?
Hm...
Bref, l'année suivante, troisième injection de sérum... Neuf ans, trois injections, une par trois ans...
Je me suis évanouie dès le début.
Aucun souvenir.
J'ai dormis une semaine.
J'ai passé Noël et le nouvel an au lit.
Génial hein?
Quatre-vingt-dix-huit s'est terminé ainsi.
De neuf à douze ans, rien de vraiment remarquable, il faut juste savoir que c'est mon père qui s'occupait de mon éducation, et que dans cette période, j'ai appris par je ne sais quel miracle près de dix-huit langues, pas loin de trente-deux dialectes, des mathématiques de math sup', de la physique, chimie, biologie d'un niveau de chercheur, et même de la médecine et de la chirurgie de bas niveau.
Bah ouais, tout de même, il allait pas TOUT me donner d'un coup...
N'empêche que ça entrait et ça ressortait pas, stocké à jamais dans une banque de mémoire photographique à la perfection.
J'aime ma mémoire quand même, faut l'avouer.
L'année deux-mille, mes huit compagnons de sérum, les premiers cobayes avec moi, furent envoyé au gouvernement.
Et moi, je restais là.
Ne me demandez pas pourquoi, je n'en sais rien, le fait est que je suis resté.
Douze ans, an deux-mille-un, quatrième injection, j'ai tenu jusque à la fin et ne me suis pas évanouie.
J'ai été reconduit à ma chambre par mon père qui me parlait, mais je ne le comprennais pas, j'hallucinais totalement, et chaque son prononçait me semblait une jolie couleur qui ondulait devant moi comme une aurore boréale.
J'ai peu dormis cette nuit là.
Le lendemain, j'ai dégueulé tout ce que j'avais, c'est à dire rien, et me suis recouché.
Pris de fièvre violente, mon délire a encore augmenté, et je me rappelle mon père à mon chevet me surveillant, posant sa main sur mon front, les yeux humides et un livre d'histoire sur les genoux.
J'ai des délires franchement bizarre vous ne trouvez pas vous... ?
Franchement, comme si ce genre de scène était SEULEMENT possible...
Seulement...
Ou alors... Était-ce vrai...?
Aucune trace le lendemain en tout cas, mais mon petit-déjeuner du troisième jour fut formidable.
Et en plus j'allais mieux.
Alors... J'ai fait un sort à tout cela en souriant, et c'était repartis comme avant.
Je me fais un peu peur parfois, mais seulement parfois.
Douze à quinze ans, encore beaucoup de cours, une petite heure par jours, beaucoup de nouveautés, et j'ai acquis le statut d'infirmier ici bas... Même si je ne restais au fond qu'un 'patient' un peu spécial et assez doué pour soigner les autres...
C'est aussi en deux-mille-trois que j'ai commencé à manier la dague et le P99, à l'âge de quatorze ans.
On a pas idée de ce que cela peut servir quand un drogué veut une dose de subutex qu'il a déjà eu.
Le pauvre, j'me rappellerais toujours de sa tête quand il a vu trois doigts de sa main droite tomber par terre... Uhuh... Un grand moment de rigolade.
Euh... Désolé.
Quinze ans, et cinquième injection, l'avant-dernière sur la liste.
Je l'ai prise, et je suis repartis travailler au sec avec quarante de fièvre et en dégueulant bile et suc gastrique.
Mais au moins, je tenais debout.
On reste calme... Tout va bien.
Tout... Va bien.
Cela m'a passé, et j'ai finis par m'endormir sur un des propres lit de mon infirmerie...
Bon... Bah voilà quoi.
Et ça a continué, sans plus de difficulté que cela.
L'an deux-mille cinq a vu l'apparition de nouveaux matériels à Thao, des machines de pointes, de nouvelles salles de soins, d'opération, une joie pour moi, mes seize ans, et mes 'diplômes' officieux de médecine.
J'avais une thèse en préparation hein...
Papa m'avait dit que j'la présenterais le jour de mes dix-huit ans...
C'est effectivement ce que j'ai fait à moitié délirant suite à la dernière injection de sérum Ezleur qui déverrouilla pour de bon toutes mes capacités, tout mes pouvoirs, bref, tout.
Six injections là où des patients normaux n'en ont qu'une...
Et pas de doses moindres.
J'me demande même s'il testait pas le sérum le plus innovant des trois dernières années sur moi pour être sûr qu'il soit efficace avant de l'injecter aux autres...
Une supposition.
Il n'empêche que ma thèse sur le développement d'un système immunitaire universelle à partir d'une gestion des glandes de production du corps avancé, permettant la synthèse in corpore des remèdes utiles aux corps, cela automatiquement et dans les deux heures, m'a valu la meilleure note de l'université depuis longtemps, et un diplôme d'état de docteur en médecine, spécialité un peu tout.
Dix-huit ans et médecin, chercheur, infirmier dans un complexe tel que Thao.
A l'époque, pas mal de gens m'enviaient ce poste.
Aujourd'hui ils sont toujours autant.
Le temps a encore passé, et vint deux-mille-dix, mes vingt-et-un ans, et l'arrivée de Vaem ici bas.
Je m'en rappelle encore, les premiers soins que je lui ai donné par mon pouvoir m'ont valu un coup de couteau dans l'omoplate gauche qui me lance encore les jours de pluies.
Quel sale chieur que celui-ci...
Et pourtant, c'est le seul que j'peux considérer comme un véritable ami, ou autre chose.
Enfin...
A l'époque non, ou presque, aujourd'hui... Je dirais pas non.
Le temps a ENCORE passé.
Deux-mille-douze...
Nous voilà...